mardi, novembre 5, 2024

After Us

  Catch Up Games | Florient Sirieix | Vincent Detroit

1 à 6 joueurs | 12 ans et plus | 40 minutes

Merci à Catch Up Games de nous avoir permis de tester leur jeu afin de vous en faire un retour !

Planète Terre, 2083. Partout, la nature a repris ses droits. Les grandes villes sont silencieuses, submergées par une flore qui s’étire le long des avenues, par delà les ponts et qui cherche la lumière en s’agrippant à chaque façade d’immeuble.

Réchauffement climatique, pollution, guerres en tous genres, Intelligence Artificielle omnisciente, pizza à l’ananas…Dans son entêtement à surconsommer, dans son mutisme face aux avertissements des spécialistes du climat, dans son besoin vital de faire la guerre, l’Humanité a finalement disparu.

Désormais, nos plus proches cousins nous ont remplacé au sein de nos capitales, de nos villages, jusque dans nos maisons. Cette lente colonisation favorise le développement des espèces qui, doucement, apprivoisent leur nouvel environnement. Orangs-outans, Chimpanzés, Gorilles, Mandrilles et Tamarins découvrent le monde humain avec ses objets bizarres dont ils parviennent à tirer quelques bénéfices grâce à une entre-aide inter-espèces que les scientifiques auraient rêvé de pouvoir observer. Et doucement, les primates se réunissent et tendent vers les prémisses de l’intelligence collective.

Découvert presque par hasard à mon arrivée sur le FIJ 2023, After Us s’est imposé d’un simple regard comme une évidence grâce au trait reconnaissable entre 1000 de Vincent Dutrait. Sans rien connaître du lore du jeu, sans rien savoir des règles ni même du type de jeu auquel nous allions être confrontés, l’esthétique colorée et travaillée du dernier jeu de Florient Sirieix édité par Catch Up Games fait mouche et donne envie d’en savoir plus.

Las, tout au long du salon, les tables ont été prises d’assaut et les rares boîtes en vente en avant-première se sont arrachées alors même que nous patientions dans la file d’attente pour accéder au salon le samedi matin. Heureusement, Catch Up Games a eu la gentillesse de nous envoyer une boîte pour que nous puissions vous donner notre avis détaillé sur le mode solo de la première simulation de primates.

Oh ! il est joli le p’tit singe

Avant même d’ouvrir la boîte, c’est le trait de Vincent Dutrait qui accapare notre attention. Le souci du détail est partout, le style très « bande-dessinée » est ultra efficace et on a très vite envie d’ouvrir la boîte pour y découvrir un matériel qu’on espère du même niveau.

Le plateau central qui reprend le style très « Dutraisien », avec, tout autour, la piste de score sur laquelle vous allez affronter le Roi Singe

Et globalement, on n’est pas déçus :

  • au registre des points (très) positifs : on retrouve la patte de Vincent Dutrait partout. Chaque joueur dispose d’un plateau qui illustre un lieu de la ville dont la nature (et vos primates) a pris possession. Le plateau central bien que moins détaillé a une classe folle et les cartes représentant les 4 espèces de singe que vous devrez recruter sont magnifiques. Le reste du matériel (tokens, tuiles « objets », marqueurs joueurs) est du même niveau et on a clairement envie de plonger dans cet univers. Le joueur solo est d’ailleurs bien aidé en cela grâce à un feuillet de règles dédié au mode solo qui vient en plus du livret de règles et qui servira aisément de pense bête lors de la première partie. Petite cerise sur le gâteau, l’éditeur a prévu des compartiments à l’intérieur de la boîte (elle aussi joliment illustrée) pour y loger les cartes (sleevées) et tous les accessoires. Pour les puristes, les cartes sleevées rentrent tout juste dans la boîte mais ça passe. BRAVO !
  • Seule petite déception, toutes les cartes d’une même espèce sont identiques, nous n’aurons donc pas le plaisir d’admirer différentes illustrations au fur et à mesure de notre évolution. C’est certes un peu anecdotique, mais vu le niveau de qualité visuelle atteint, j’aurais apprécié que l’immersion soit encore renforcée par une variété des illustrations des cartes des singes recrutés.

Malin comme un singe !

Le livret de règles est bien rédigé, vite lu et surtout vite intégré, même par un joueur ponctuel. La mise en place est ensuite rapide, et surtout quasi identique pour le Roi Singe et le joueur. Bon point, les automatismes seront vite pris !

Votre adversaire et vous recevez donc un plateau joueur, un deck de base composé uniquement de 8 tamarins, 2 jetons de votre couleur à disposer sur la piste de score et sur la piste de rage de votre plateau (cette piste vous servira à nettoyer votre deck). Attribuez ensuite à votre adversaire trois des quatre jetons « Singe » à sa disposition, faites le bénéficier du bonus correspondant au singe mis de côté et donnez lui ses ressources de début de partie. Vous êtes prêt pour votre premier tour (c’est le Roi Singe qui commence).

D’un point de vue mécaniques de jeu, on est face à un deckbuilding original qui propose de construire un deck « à l’aveugle », sans jamais connaître dans le détail les effets de la carte que vous recrutez. Mais à l’inverse de beaucoup de deckbuilding, ici, vous ne chercherez pas à défaire votre adversaire. A la manière d’un Althing (testé ici), After Us est en fait une course contre le Roi Singe dans laquelle vous devrez être le premier à atteindre 80 points. Le mode solo s’appuie quant à lui sur un Automa qui imite les actions d’un vrai joueur pour passer le premier la ligne d’arrivée.

Pour être le premier à atteindre la ligne d’arrivée, vous devrez associer les cartouches présents sur toutes vos cartes pour récupérer des ressources utiles ensuite pour recruter de nouveaux singes, copier certaines actions de l’automa ou encore avancer sur la piste de score.

Dans cet exemple, j’ai pu fermer 3 cartouches sur la première ligne (+2 cartouches uniques considérés comme déjà fermés), puis 2 sur la seconde ligne (et encore un cartouche unique). Je n’ai fermé aucun cartouche sur la dernière ligne. Les cartouches de la première ligne me permettent de voler des ressources au Roi Singe, ressources que je pourrai ensuite dépenser pour recruter des singes ou pour activer des cartouches fermés des lignes 2 et 3, notamment.

Dans le mode Solo, les ressources que le joueur récupère sont prioritairement « volées » au Roi Singe et il faudra en permanence le surveiller pour réduire ses options. Laissez le recruter des singes de niveau II ou récupérer des piles grâce à l’ordinateur auquel il aura toujours accès et c’est rapidement par dizaine de cases que votre adversaire se mettra à foncer vers la victoire. Ravageur !

Pour tenter de l’emporter, vous devrez à votre tour choisir quel singe recruter, chacun disposant de sa « spécialité » :

  • l’orang-outan est un spécialiste de l’énergie,
  • le mandrille vous garantit des points de victoire plus rapidement
  • le gorille est une brute qui vous permettra de nettoyer votre deck
  • le chimpanzé rusé vous permettra de réactiver un cartouche pour maximiser votre gain en ressource ou en PV.

Il faudra également savoir utiliser les objets que vous aurez « lootés » en début de partie pour tirer avantage de vos choix en récupérant points de victoire, nouveaux singes ou ressources. Le Roi Singe, lui, n’utilisera que l’ordinateur qui permet d’échanger 5 piles contre 5 points de victoire à la fin de chacun de ses tours. Et croyez nous, cet effet n’est pas à sous estimer…

Autant le dire tout de suite, si je vous cherchez un jeu immersif qui va vous plonger dans un remake de la Planète des singes, vous allez être déçu. Le thème est vite oublié au profit des mécaniques et on n’a jamais vraiment la sensation de vivre une aventure. Mais justement, ces mécaniques sont tellement efficaces qu’elles se suffisent à elles mêmes. Les tours s’enchaînent rapidement, l’automa est un modèle du genre tant il s’approche d’un vrai joueur et l’équilibrage a visiblement été peaufiné aux petits oignons tant les parties sont serrées !

Les Tamarins, singes de base, octroient au Roi Singe les bonus contenus en haut à droite sur chaque carte (les cartouches ne sont pas utilisés par le Roi Singe). Dans ce cas, l’automa va récupérer 1 pile, 2 fruits orange et une graine noir. Plus tard, les singes recrutés lui permettront d’activer des pouvoirs et de scorer des points de victoire (3 pour des singes de niveau 1, 6 pour des singes de niveau 2).

On est finalement devant un deckbuilding de course aux points rapide à installer, accessible aux nouveaux joueurs qui auront été attirés par le graphisme léché et coloré du titre. Ceux là apprécieront la limpidité des règles, la facilité de la gestion du joueur fictif et la rapidité des tours. Mais After Us est également parfaitement huilé et permettra aux joueurs plus aguerris de passer d’agréables moments durant lesquels la victoire ne sera jamais acquise. Ils prendront plaisir à tenter de contre-carrer le Roi Singe pour prendre le large dans leur quête de victoire.

Oui ! (Stiti)

Quelques objets antiques que vous pourrez utiliser (en bas). En haut, l’ordinateur qui n’a pas été pioché en début de partie et qui sera donc utilisé uniquement par le Roi Singe, ce qui lui confère un avantage significatif !

After Us bénéficie donc d’un très bon solo, qui, s’il ne brille finalement pas par l’immersion qu’il propose, sait s’imposer et sortir de la multitude des titres sortis en ce début d’année grâce à un système de jeu qui permet au joueur de se concentrer sur sa partie sans avoir à revenir dans le livre de règles toutes les 3 minutes. Le manque de variété dans les illustrations des cartes est également vite oublié et on peut se concentrer sur la meilleure façon d’agencer ses cartouches pour éviter que l’Automa ne prenne la poudre d’escampette. Le système est malin, jamais frustrant et la défaite sera souvent (toujours ?) le résultat de mauvais choix, et non d’un mauvais équilibrage.

L’avis de Hervé, primatologue débutant

Entre règles accessibles, mécaniques intéressantes, difficulté bien dosée et esthétique soignée, After Us est selon moi un incontournable de ce premier semestre que vous devez, a minima, essayer. Il revient régulièrement sur la table depuis sa réception (Merci Matthieu !) et c’est toujours avec le même plaisir que je tente de guider mon groupe de singes vers l’intelligence collective. Alors certes, j’aurais brièvement été déçu par le manque d’immersion ressenti sur les premières parties. Il faut dire que le visuel est tellement fort qu’on aimerait qu’After Us nous emmène dans son univers pour vivre une véritable aventure. Mais rapidement, c’est la fluidité du jeu qui s’impose et qui en fait une évidence à mes yeux.

Les plus exigeants (souvent les joueurs les plus assidus) lui reproche parfois un côté un peu répétitif et hasardeux, mais à mon sens, ceux là passent à côté de l’expérience proposée par Catch Up Games. Nerveux et efficace, After Us l’est assurément en solo. Il vous faudra surveiller le Roi Singe, calculer comment l’empêcher de recruter les singes les plus forts, optimiser votre gain en ressources, et à votre tour intégrer les bons primates dans votre groupe pour prendre votre adversaire de vitesse. L’agencement des cartouches n’est jamais un casse-tête insoluble, mais trompez vous, et vous donnerez un avantage parfois définitif à l’Automa.

Et puis, After Us sonne un peu, aussi, comme un avertissement. A force d’ignorer les avertissements des climatologues, les signes précurseurs d’un changement climatique évident, la nature risque bien, un jour, de nous rappeler qu’à son échelle nous ne sommes guère plus que des fourmis un peu trop envahissantes. Et le futur dépeint de main de maître par Vincent Dutrait donne alors à After Us une toute autre dimension, écologique, presque pédagogique qui fait du jeu de Catch Up Games un bon support de discussion avec les plus jeunes…

On a aimé

  • la patte de Vincent Dutrait, hypnothique
  • les mécaniques imaginées par Florient Sirieix, d’une efficacité redoutable
  • un jeu qui sensibilise sur les excès de l’Homme et ses éventuelles conséquences

On a moins aimé

  • le manque d’immersion, on aurait adoré être projetés dans cet univers post humanité
  • les illustrations identiques sur les cartes d’une même espèce et d’un même niveau. On veut toujours plus de Vincent Dutrait !
  • il faudra peut être surveiller la qualité des cartes qui nous a semblé un peu light pour un deckbuilding

C’est pour vous si

  • l’esthétique d’un jeu est essentiel dans le plaisir que vous prenez à y jouer
  • vous cherchez un deckbuilding accessible et néanmoins exigeant
  • vous aimez défier un automa autrement qu’en lui tatanant la tronche

Ce n’est pas pour vous si

  • vous aimez les longues campagnes et les jeux à scénario
  • le thème ne vous évoque rien

Pour un avis de plus – par Ktof, qui n’aime pas se faire épouiller

La planète des singes c’est avant tout un roman de Pierre Boole qui date de 1963. Une vieille histoire qui a traversé plusieurs générations, portée au petit écran avec une série culte dans les années 70 puis plusieurs adaptations au cinéma dont une par les studios Dysney prévue en 2024. Bref, un imaginaire puissant, dont j’attendais avec fébrilité une nouvelle adaptation en jeu de plateau. Si le visuel est réussi, l’immersion est malheureusement très peu présente pour un jeu qui se révèle au final très mécanique. Mais là encore, la déception est au rendez vous : si l’idée d’un mini puzzle à chaque manche est intéressant, le choix de construire son deck ‘à l’aveugle’ (on pioche une carte face cachée) fait perdre beaucoup de contrôle sur sa construction de deck et ajoute encore de l’aléatoire à un jeu par essence (le deckbuilding) hasardeux. D’un point de vue game design, ce choix à l’aveugle permet d’accèlérer les tours en multi (pas besoin de gérer d’ordre du tour, tout le monde joue en même temps), mais il est parfaitement inutile en solo. Bref, des regrets et il faudra encore attendre un peu une adaptation solo digne de ce nom, espérons avant 2033 quand la licence sera libre de droit !!

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