mardi, décembre 3, 2024

Skoventyr

  Iello | Morten Monrad Pedersen | Vincent Dutrait

1 joueur | 10 ans et plus | 15 minutes

Merci à Iello de nous avoir permis de tester ce jeu en avant première afin de vous en faire un retour !

Vogter tremble. Caché derrière un arbre, il retient sa respiration. Se fige. La forêt est devenue muette, comme pour l’aider à se dissimuler dans l’enchevêtrement de branches mortes et de ronces qui gisent au sol. Gamle Erik, le Diable, rôde, décidé à s’emparer de l’âme de la Forêt réincarnée dans le blaireau grognon qui, à ce moment précis, se recroqueville à quelques mètres à peine de lui.

Pétrifié d’effroi, l’animal sent un froid intense s’immiscer jusque dans ses membres, lui interdisant toute fuite à mesure que son bourreau se rapproche mais alors même que les dernières lueurs d’espoirs s’éteignent dans son esprit, un lourd craquement le tire de sa léthargie : Une bande de Trolds, étranges croisements entre un ours, un homme et un rocher surgissent en rangs serrés, masse à la main (tronc serait peut être plus juste).

Les Genganger, mort-vivants à la botte du Dieu des Enfers tombent un par un, écrasés sous les coups de ces géants brutaux qui frappent sans discernement tout ce qui passe à portée, ennemis comme alliés. Ceux qui réussissent à éviter de se faire broyer sous la masse des Trolds finissent invariablement projetés violemment contre un arbre proche ou plus simplement enterrés sous les pas lourds de ces forces de la nature (vraiment ?). Mais alors que l’espoir renaît dans la tête de notre petit ami toujours immobile, des cris retentissent, tranchants comme une lame noire qui renferme tous les cauchemars de ses victimes. Même les vaillants alliés de Vogter sentent leurs poils drus comme de la paille se dresser sur leur peau rocailleuse. Une vague de Mare, sorcières aux pouvoirs psychiques effrayants déferle de l’orée du bois, obscurcissant même la nuit. Et derrière elles, à mi chemin entre serpents géants et dragons, des Lindorm que seuls, dit on, quelques valeureux chevaliers ont réussi à défaire à force de courage et de volonté.

Submergées, les premières lignes de Trolds tombent sous cet assaut d’outre-tombe et le Diable commence à sourire horriblement face à un tel déferlement de violence, convaincu, désormais de pouvoir étendre son royaume sur ces vertes contrées dans lesquelles vivent depuis trop longtemps ces anges déchus expulsés du Paradis mais ayant échappé à son emprise. Lentement, son regard se porte sur la cachette de Vogter, incapable de fuir, contemplant béatement ce spectacle ahurissant. Et alors que Gamle Erik tend sa main pour saisir sa proie, un éclat lumineux aveuglant chasse en une fraction de seconde les ténèbres et de l’autre bout de la forêt montent des cris guerriers rageurs. Ellefolks, Huldres, Nisses et même Formskifters se déversent dans cette clairière jongée d’arbres fracassés et de corps inanimés pour repousser la mort dans les entrailles de la terre d’où elle n’aurait jamais du sortir. Aveuglé, Gamle Erik ne remarque même pas Vogter qui, dans un dernier sursaut parvient à fuir et se cacher loin du champs de bataille.

Skoventyr, un jeu labellisé par l’académie Danoise

à gauche, vos alliés plus ou moins… rassurants. A droite, Gamle Erik qui vous poursuivra jusque dans le Futur ! Noté l’iconographie double : sur la gauche des cartes, le coût à payer pour récupérer la carte depuis le Futur, à droite, l’effet dont vous pourrez bénéficier en défaussant la carte de votre main.

Skoventyr, édité par InPatience et distribué par Iello, vous propulse au beau milieu d’un conflit ancestral aux consonances très « ikeaïennes ». Et pour notre plus grand plaisir, derrière cette multitude de noms imprononçables pour le commun des mortels se cache un jeu purement solo des mêmes éditeurs que l’excellente série des jeux de l’Onivers.

Skoventyr est un deckbuilding original dans lequel le joueur devra choisir 1 action parmi 4 à sa disposition pour tenter de vaincre les sbires de Gamle Erik avant que ce dernier ne mette la main sur votre blaireau (si si) planqué derrière un arbre.

A la réception de la boîte généreusement envoyée par Iello, on est immédiatement charmé par la direction artistique choisie, évocatrice de ces vieux livres de contes « classiques » qu’on pouvait feuilleté il y a fort fort longtemps (n’y voyez aucun indice sur mon âge, évidemment !). Le trait détaillé, les couleurs vives et le style très marqué nous rappellent immanquablement un autre titre testé ici il y a peu… Et il y a de quoi puisque c’est bien Vincent Dutrait qui a été chargé de donner vie à ce conte danois. Force est de reconnaître qu’on ne peut qu’être une nouvelle fois émerveillé par le talent du bonhomme !

Même constat à l’ouverture de la boîte (dont le format est parfait, d’autant qu’elle intègre un système de rangement malin qui évitera la multiplication des poches plastiques !). Les cartes alliés sont magnifiques, les illustrations des sbires collent parfaitement à l’image qu’on peut s’en faire et la forêt dans laquelle nous allons devoir nous cacher est aussi accueillante qu’inquiétante… Tout donne envie de se lancer dans une première partie.

Le joueur est bien aidé en cela par un livret de règles clair qui nous permet rapidement de comprendre les mécaniques de Skoventyr et des deux extensions déjà présentes dans la boîte, comme c’est souvent le cas avec InPatience. L’éditeur nous offre même quelques informations qui nous permettent de nous immerger dans le folklore Danois, de mieux comprendre les relations souvent ambigües qui lient tous les protagonistes de cette guerre et quelques notions linguistiques bien venues pour prononcer aussi justement que possible les nombreux noms des créatures peuplant ces histoires.

Caché ou pas Caché, j’arrive !

Les arbres de la forêt dans laquelle vous vous cachez pourront être endommagés, voire détruit. attention, si trop d’arbres disparaissent, Gamle Erik se rapprochera plus facilement de vous. Deuxième effet kiss cool, si votre forêt comporte moins d’arbre que le nombre de points de vie de l’ennemi le plus fort encore à combattre, vous ne pourrez plus remporter la partie…

La mise en place est simple et rapide. On dispose 6 cartes forêts en cercle sur leur côté « sain », on y dispose les « figurines » de Gamle Erik et Vogter à deux cartes de distance, on prépare la rivière (le Futur) en alignant 3 cartes alliés à côté de la pioche, et on récupère une carte qui sera notre main de départ. On est désormais prêt à affronter le Diable et ses sbires dans un combat à mort.

Dans Skoventyr, l’objectif est double : il faut éviter que Vogter soit fait prisonnier par Gamle Erik, et défaire les 6 sbires qui l’accompagnent grâce aux alliés que rejoindront notre cher Blaireau pour lui permettre de s’échapper.

A chaque tour, Vous pourrez :

  • recruter un allié provenant du Futur en en payant le prix. Prenez garde, si la première carte de la rivière est Gamle Erik, vous devrez obligatoirement piocher cette carte et ainsi le faire avancer d’une case dans votre direction. Car oui, votre ennemi viendra polluer la rivière de cartes à votre disposition et vous obligera régulièrement à le choisir et ainsi à vous condamner lentement.
  • Générer un nouveau Futur. Attention, vous devrez pour cela endommager l’un des arbres de la forêt derrière lesquels vous vous cachez. Si renouveler les cartes à votre disposition pourra parfois être salvateur, la contrepartie à payer est, elle, dangereuse et permettra à Gamle Erik de se rapprocher doucement mais sûrement de vous.
  • Envoyer les alliés de votre main dans la forêt pour affronter vos ennemis ou choisir de bénéficier de leur pouvoir unique à condition de les défausser. Mais gare, si les anges déchues qui luttent à vos côtés pour sauver leur terre d’accueil (et leurs fesses par la même occasion) sont disposés à se côtoyer, ils refuseront obstinément de monter au front tous ensemble. Vous devrez donc former un groupe d’une même espèce avant de vous lancer dans la bataille contre les créatures que vous affronter.
  • Combattre un ennemi de votre choix, si tant est que vous disposez, dans la forêt, du nombre d’unité du même type suffisant pour remporter le combat.

Chaque fois que vous parviendrez à vaincre l’un des sbires de Gamle Erik, vous obtiendrez un bonus à choisir parmi 3 :

  • vous enfoncer un peu plus dans la forêt pour vous éloigner de Gamle Erik,
  • soigner un arbre endommagé (les arbres détruits ne peuvent pas être remplantés) et ainsi conserver vos chances de tenir votre ennemi à bonne distance,
  • défausser l’une des cartes de Gamle Erik qui peuple le Futur et ainsi limiter sa capacité à se rapprocher de vous trop rapidement.
Les Sbires de Gamle Erik que vous devrez défaire pour remporter la partie. En haut à gauche, la force de chaque ennemi, que vous devrez surpasser pour les vaincre.

Tour après tour, vous prendrez donc part à un jeu du chat et de la souris dans lequel vous incarnerez le fragile rongeur blaireau tentant d’échapper à son adversaire en vous appuyant sur des créatures dont la versatilité vous poussera en permanence à rechercher le bon compromis entre agressivité et sécurité, en gardant à l’esprit que vous ne l’emporterez qu’à la condition de défaire les 6 sbires qui accompagnent Gamle Erik, qui lui, ne doit pas trop se rapprocher de vous.

Les extensions fournies avec le jeu de base viendront complexifier encore un peu vos affaires en vous demandant de libérer certains de vos alliés avant de pouvoir recruter les créatures du même type ou bien en vous obligeant à corrompre des Leprechauns qui ont décidé de protéger les sbires de Gamle Erik avant de pouvoir les affronter.

Dans sa configuration « standard » (avec 6 arbres composant la forêt), Skoventyr vous proposera un beau challenge, certes pas insurmontable, mais suffisamment bien dosé pour vous empêcher d’accumuler les victoires. Après quelques parties, vous pourrez régler la difficulté selon votre envie en ajoutant des arbres sain à la forêt ou bien, à l’inverse, en la dégradant plus ou moins de sorte à rendre certains choix encore plus périlleux. Rajoutez y les extensions, séparément ou ensemble, pour obtenir une expérience personnalisable et à la difficulté corsée qui devrait vous tenir en haleine quelques temps !

InPatience excelle vraiment dans l’art de découvrir des pépites solo qui réussissent sans peine à s’imposer par la simplicité de leurs mécaniques, la force de leur univers et une rejouabilité appréciable, le tout dans des petites boîtes intelligentes qu’on pourra facilement emmener en voyage.

Skoventyr ne failli pas à cette règle, et notre petit doigt nous dit que si le succès est au rendez vous, on devrait rapidement plonger un peu plus profondément dans ce folklore nordique envoûtant et finalement assez original dans notre petit microcosme ludosoliste.

L’avis de Hervé

Skoventyr est une excellente surprise et je remercie vivement Iello d’avoir pensé à nous pour vous proposer le test du nouveau jeu de InPatience en avant-première ! Tout ici me plaît : l’ambiance onirique de l’histoire qui nous est contée, l’originalité de cet univers qu’on n’a pas l’habitude de croiser dans nos déambulations ludiques, les illustrations de Vincent Dutrait qui donne vie à ce jeu de cache cache forestier, la qualité du matériel de trés (trés) bonne facture, jusque dans l’attention portée à l’intérieur de la boîte qui permet de ranger tout le matériel dans un espace resserré !

Le plaisir de jeu est quasiment immédiat, et adaptable à nos envies grâce aux modules complémentaires fournis avec le jeu de base qui viennent encore un peu intensifier nos parties. Même si on est bien en face d’un deckbuilding (léger, mais quand même), j’avoue avoir plutôt ressenti des sensations de « tir à la corde » dans la manière dont Gamle Erik va se rapprocher ou s’éloigner de Vogter. Il n’en reste pas moins que choisir ses cartes dans le Futur ne doit pas se faire à la légère, tant ces choix influeront sur le cours de votre partie !

Ajouts malins : le fait que Gamle Erik se cache dans notre deck et vienne parfois envahir le futur limite astucieusement nos choix. De même, l’obligation de tirer une carte « adversaire » (qui fait avancer Gamle Erik en direction de Vogter) lorsqu’elle arrive à l’extrême gauche du Futur nous contraint parfois à concéder du terrain simplement pour renouveler la rivière de cartes et ouvrir d’autres options. Enfin, le côté versatile de chaque choix qui s’offre à nous (piocher une carte qui nous intéresse nous vaudra souvent un malus qui sera, par la suite, possiblement compensé par un effet positif… ou pas) nous pousse à bien réfléchir nos actions et à nous projeter plusieurs tours en avance…

Je pourrais également vous dire qu’à bien des égards, Skoventyr m’a rappelé Spirit of Eden de Yossef Fahri (dont je vous rabats les oreilles à longueur de temps), mais honnêtement, je pense que vous aurez compris que Skoventyr coche à mes yeux beaucoup des cases qui font qu’on revient à un jeu avec plaisir, d’autant que la mise en place rapide et la durée des parties n’excédent pas 15-20 minutes, ce qui permet d’envisager une petite partie avant d’aller au lit… qu’on rejoindra certainement beaucoup trop tard, quand on aura réussi à échapper au Vieux Eric !

On aime

  • la direction artistique de Vincent Dutrait
  • un univers original et onirique, moins enfantin qu’il n’y paraît
  • des mécaniques efficaces qui promettent de belles prises de tête !

On aime moins

  • a vrai dire… pas grand chose !

C’est pour vous si

  • Vous aimez postillonner en lisant une règle de jeu à haute voix
  • Votre enfance a été bercée par des contes qui vous ont fait cauchemarder des nuits entières !
  • Vous cherchez un jeu solo rapide, efficace, et transportable pour les vacances !

Ce n’est pas pour vous si

  • Pour vous, le Danemark est avant tout le pays du solæg (mais franchement, on se demande bien pourquoi !)
  • un Diable qui se fait nommer « Vieux Eric » ne vous fait pas nécessairement flipper
  • Vous aimez les jeux aux mécaniques complexes, et dont les parties durent des heures

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