jeudi, avril 18, 2024
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Nemo’s war – Ô Capitaine ! Mon Capitaine !

Peu d’auteurs ont cet honneur de pouvoir être qualifiés d’universels.

Deuxième écrivain (après Agatha Christie) le plus traduit au monde, né avec la révolution industrielle, Jules Verne est parvenu à travers ses écrits à enchanter un monde alors modelé par le charbon et la vapeur. À travers des récits inspirés et inspirants, il a su, et parvient encore un siècle et demi plus tard, à embarquer ses lecteurs de tous les âges dans des voyages extraordinaires à travers le monde, des profondeurs de la terre jusqu’aux désertiques étendues lunaires !

Parmi ses œuvres de référence figure en bonne place ‘Vingt-mille lieues sous les mers’ qui relate les aventures du capitaine Nemo, un inventeur à la fois génial et mystérieux qui parcourt les fonds des mers à bord du Nautilus, un sous-marin très en avance sur les technologies de l’époque.

Prendre comme toile de fond une œuvre aussi connue et adaptée sur à peu près tous les supports narratifs inventés par l’homme est un pari osé ! Pourtant, c’est le défi que Chris Taylor, et surtout son éditeur Victory Point Games ont relevé et ceci, dès 2009, avec la création du jeu ‘Nemo’s war’.

Si vous avez la curiosité de jeter un coup d’oeil à la ludographie de Victory Point Games, vous vous rendrez vite compte que cet éditeur aime l’Histoire et les histoires, mais qu’il est aussi un précurseur dans le monde du jeu solo. Créateur d’un système de jeu (‘State Of Siege’) et de nombreux titres de référence (« Dawn of the zeds », « Darkest knight », « Zulus on the remparts » ou encore Cruel Necessity), il a fait pendant des années le bonheur des soloistes surtout lorsque l’offre était moins pléthorique que maintenant.

Mais pourquoi parler d’un jeu sorti il y a 13 ans ?

Ce jeu a continué à vivre après sa parution. Après une seconde édition en 2017, un dernier financement participatif a eu lieu en 2020 avec une ‘ultimate edition’ dont la livraison se termine en ce moment même (avril 2022) auprès des backers du monde entier.

Et puis ce jeu bénéficie d’un véritable engouement (surtout de la part des anglo-saxons), et nous n’en avions jamais parlé à Plateau Solo, il était donc grand temps de nous rattraper !

Pour appréhender un jeu, et c’est particulièrement vrai pour celui-ci, il est souvent intéressant de comprendre l’intention de son auteur.

Nemo’s war, c’est avant tout un vibrant hommage à une œuvre.

Image illustrative de l’article Vingt Mille Lieues sous les mers
Par Edouard Riou (1833-1900), Alphonse Marie de Neuville (1835-1885), Jules Verne (author) — Houghton library. Cambridge, Mass.

Les illustrations de Ian O’Toole, le choix des couleurs, les polices de caractères, le moindre détail visuel de ce jeu est un hommage à une époque et à l’imaginaire qu’elle colporte. Tous les textes sont issus de l’œuvre originale, et il ne faut pas y voir une facilité éditoriale, bien au contraire, car l’auteur a pris un soin tout particulier à ne pas prendre des extraits au hasard, mais à construire des situations de jeu parfaitement alignées sur le texte choisi.

Au-delà de la forme, le jeu est le fruit d’une réflexion narrative poussée, au cours de laquelle Chris Taylor a dû se poser cette question : qu’aurait-il pu arriver au capitaine Nemo s’il avait eu une autre ambition, une personnalité un peu différente, une vision du monde autre que celle dont l’a doté son auteur ? Qu’aurait fait un capitaine Nemo humaniste ? Comment aurait-il aidé des peuples à se libérer du joug colonial s’il avait eu l’âme d’un justicier ? Et si son ambition n’avait été que de devenir le nouveau Barbe Rouge ? À moins qu’explorer les mers pour y découvrir les mystères enfouis ne lui suffise ?

Nemo’s war c’est cela, une promesse : celle de nous donner à vivre le destin d’un capitaine Nemo fantasmé, à la fois semblable et différent de l’original !

Ok, et le jeu dans tout ça ?

Vous l’avez compris : le thème est central, et la mécanique est au service de ce thème, une mécanique simple et efficace.

Le jeu s’organise autour d’une mappemonde avec ses principales mers et ses océans. En tant que commandant du Nautilus et de son équipage, chaque tour, vous bénéficiez d’un nombre de points d’action variable pour déplacer votre sous-marin sur cette carte et accomplir des actions, notamment : réparer le Nautilus, soigner son équipage, rechercher un trésor oublié, provoquer une rencontre, organiser la révolte d’un peuple côtier, ou, de manière plus offensive, s’attaquer à un des innombrables bateaux qui naviguent sur les mers du monde !

Dans ce jeu, toutes les résolutions d’action suivent le même schéma : vous lancez 2d6 et si vous faites un résultat supérieur ou égal à la difficulté, l’action est réussie. Vous allez pouvoir engager tout ou partie de votre équipage pour bénéficier d’un modificateur et certaines améliorations du Nautilus acquises en cours de partie pourront vous apporter des bonus supplémentaires. A contrario, les bateaux ennemis et armés présents dans votre zone compteront comme autant de malus.

En cas d’échec de votre action, vous aurez à en subir les conséquences, et si cet échec est critique (double un), alors il vous faudra un peu de temps pour vous en remettre…

Quelques personnages emblématiques du roman (Pierre Aronnax, Ned land…) sont également là pour vous épauler en cas de coup dur. Par contre, attention, ils ne sont utilisables qu’une fois durant toute la partie !

Nemo’s war est un jeu où pour gagner, il faut accumuler des points de victoire : selon le destin que vous aurez choisi au début de partie, vous serez incité à accomplir un type d’actions plutôt qu’une autre. Pour faire simple, les jetons/cartes que vous acquérez ont des petits symboles (par exemple l’éclair sur fond jaune pour la science) : chaque symbole va rapporter un nombre de points de victoire différent selon la carrière choisie. Par exemple, si vous suivez le destin scientifique, alors vous aurez tout intérêt à accumuler les symboles science durant cette partie.

Et on peut perdre ?

Oui, on peut, et ça arrive … souvent.

Nemo’s war est un jeu difficile et certains destins sont particulièrement difficiles à accomplir. Nous vous avons parlé des mers et océans peuplés d’innombrables navires, et bien il faut savoir que l’ensemble des nations vous recherchent activement et n’ont qu’une idée en tête : se débarrasser du Nautilus et de son capitaine renégat. Après votre tour de jeu, le monde civilisé réagit. De nouveaux bateaux émergent aléatoirement sur la mappemonde : au début, la plupart sont des navires civils, proies idéales pour le Nautilus, mais au fil de la partie, les pacifiques cargos se muent en féroces corvettes et il sera de plus en plus dangereux de s’en débarrasser. Pourtant, il le faudra, car la plus probable cause de défaite à ce jeu, c’est de devoir ajouter un bateau dans une mer, et… qu’il n’y ait plus de place !

Promesse tenue ?

Difficile de résumer l’expérience ludique de Nemo’s war.

Ce jeu est en quelque sorte un wargame, car les combats et le contrôle de territoire y jouent un rôle prépondérant : joueurs pacifistes, vous ne vous en sortirez pas si vous ne torpillez pas quelques navires durant votre partie…

Mais ce jeu est aussi un récit ludique, rythmé par les événements aléatoires inspirés directement de l’œuvre de Jules Verne, et illustrés à merveille par Ian O’Toole.

Ah, mais en fait, ce jeu propose aussi une mécanique de gestion du risque, et d’utilisation des ressources à bon escient avec un twist intéressant sur la gestion de ces ressources.

Et puis c’est vrai, on gagne en accumulant des tonnes de points de victoire, on ne serait pas dans un eurogame au final ?

Bref, beaucoup de facettes, et l’équilibre est d’autant plus ténu que l’aléatoire est partout. Mais malgré cela, Chris Taylor a réussi son pari, et quelle que soit l’issue, l’aventure est au rendez-vous dans une partie de Nemo’s war.

On aime

  • L’immersion portée par une édition de qualité remarquable
  • L’ergonomie du plateau de jeu
  • La diversité des carrières proposées qui assurent une bonne rejouabilité

On aime moins

  • La durée d’une partie (comptez 3h)
  • Le décompte final des points assez fastidieux
  • l’absence d’une édition française

C’est pour vous si

  • Vous aimez le thème, et que l’anglais n’est pas un problème pour vous
  • Vous aimez les jeux au long cours
  • Vous aimez des jeux comme ‘Les contrées de l’horreur’ ou ‘A touch of Evil’

Ce n’est pas pour vous si

  • L’aléatoire des lancers de dés vous hérissent les cheveux
  • La mécanique d’un jeu est plus importante que son thème

Nemo’s War

  • un jeu de Chris Taylor édité (en anglais exclusivement) par Victory Point Games
  • de 1 à 4 joueurs (mais pensé pour jouer en solo)

2 Commentaires

    • Malheureusement, c’est peu probable. A notre connaissance, aucun jeu de Victory Point Games en 15 ans d’existence n’a été traduit en français. Et même après leur rachat en 2019 par une autre société (TableTop Tycoon), rien ne laisse supposer une évolution dans le bon sens pour nous autres francophones (pourtant il existe des versions chinoise, japonaise, allemande, espagnole et même polonaise de ce jeu, donc ce sont surement les éditeurs français qui traînent la patte).

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