1 à 4 joueurs | 10 ans et plus | 20 minutes
Le folklore Viking est plein de guerriers sanguinaires, de drakkars terrifiants, de Trolls et autres créatures brutales, de romances sulfureuses ou encore de luttes de pouvoirs entre clans rivaux.
Et quand le roi des Vikings se meurt, il est grand temps pour l’un de ces clans de placer sur le trône son plus fier représentant, là bas, dans le palais d’Asgard. On pourrait s’attendre à ce que la question de celui qui sera le plus méritant se règle à coup de hache dans un bain de sang, mais que nenni ! Au pays des combattants cornus, c’est la règle du « premier arrivé, premier servi » qui fait loi.
Les trolls qui servent le roi et qui ont toute sa confiance sont également les seuls à pouvoir guider les prétendants jusqu’au Althing, l’assemblée qui décidera qui succèdera au souverain. Les jeunes Trolls quittent cette nuit Asgard en direction de Midgard à la recherche du futur roi des Vikings. Les villageois sélectionnés s’élanceront alors dans une course dans laquelle tous les coups seront permis pour ralentir et dépasser les autres concurrents.
Cours Ragnar, Cours !
Althing, édité par Studio Twin Games, est un deckbuilding de course. Et rien que pour cela, il mérite largement le détour. Ici, point n’est question d’occire son adversaire, le jeune et ambitieux Thorfinn, protégé des dieux. Il faudra le défier dans un course dans laquelle la fourberie comptera autant que les capacités physiques. Voler des cartes, bloquer Thorfinn, déjouer les pénuries et autres coups bas qu’il vous lancera… Votre périple vers le Althing risque bien de se transformer en chemin de croix.
Niveau matériel, on a beau être dans un jeu de course, ne comptez pas trouver un plateau de jeu gonflant inutilement le prix de la boîte. Althing est un deckbuilding pur jus, et dans la (petite) boîte, on ne retrouvera essentiellement que des cartes. Essentiellement ? 4 pions de couleurs représentant les trolls qui vous guideront (?) vers la victoire. Les plus anciens m’arrêteront d’ailleurs ici, en s’étonnant du nombre de pions disponibles. Et ils auront raison ! Althing était d’abord un jeu d’affrontement pour deux joueurs, disposant d’un mode solo. Puis, l’éditeur a proposé deux extensions dont l’une étend le nombre de joueurs. Studio Twin Games ayant la gentillesse de nous envoyer la version « Intégrale » de son jeu, nous avons eu le plaisir d’y retrouver ces extensions et les pions allant avec.
Mais revenons à nos moutons, et donc à notre mode solo. Les cartes se divisent en plusieurs catégories :
- les decks « joueurs » au nombre de 4
- le deck de Thorfinn
- le deck de l’assemblée qui composera la rivière dans laquelle nous allons devoir recruter d’autres vikings qui nous aideront dans notre voyage vers Asgard
- les cartes « lieux » qui formeront la piste de l’épopée (le circuit à parcourir depuis Kattegat jusqu’à l’Althing)
En terme de qualité, on se retrouve sur des pions joliment détaillés et agréables à déplacer et des cartes aux illustrations soignées (de Patrick Fontaine) mais qui diviseront nécessairement. Si je ne peux pas dire que j’ai été transporté loin, là bas, dans les contrées nordiques où se déroule cette course, l’esthétique de Althing ne m’a pas non plus rebuté. Il est clair néanmoins qu’on n’achètera pas Althing pour sa plastique affriolante.
Niveau mise en place, on est sur du tout bon ! Selon le niveau de difficulté choisi, le deck de Thorfinn sera composé de 5 (difficile) ou 6 (facile) cartes, et on récupèrera dans le deck du joueur vert les deux cartes Troll qui viendront éventuellement pourrir notre deck.
Côté joueur, on choisit une couleur, on récupère les 6 cartes conseillées dans la règle pour débuter (on écartera notamment, dans un premier temps, les trolls qui ne seront utilisés contre Thorfinn qu’en mode difficile, avec les cartes Légende qui viennent encore pimenter un peu plus les parties).
Il ne reste plus qu’à disposer la ligne de départ (Kattegat), la ligne d’arrivée, l’Althing (ou le Thing, suivant les cartes qui formeront l’épopée), de tirer aux sorts 4 cartes épopée aléatoirement, et enfin de tirer les 4 premières cartes de l’Assemblée (la rivière de carte) pour être fin prêts !
Mention Bien pour cette mise en place qui une fois acquise, ne prend que très peu de temps ce qui permet de se lancer dans une partie en fin de journée lorsqu’on n ‘a pas envie de sortir, au hasard, Aeon’s End par exemple.
Troll Moi, je te Hâche !
Un tour de jeu se divise ensuite en deux phases successives :
Thorfinn, qui commence toujours à jouer, tire une carte de son deck et applique ses effets :
- récupérer une ou deux cartes de la rivière (selon l’iconographie au bas de sa carte)
- (nous) appliquer éventuellement les effets selon l’iconographie sur la gauche de sa carte. Ces effets dépendent de notre position sur la piste d’épopée et deviendront, au fur et à mesure de notre avancée, de plus en plus agressifs, histoire de nous ralentir un maximum.
Puis vient le tour du joueur. Comme dans tout bon deckbuilding, vous utiliserez votre main de 4 cartes pour recruter des vikings dans l’assemblée grâce aux pépites proposées comme ressources des cartes que vous jouerez. Vous devrez optimiser au mieux votre deck au regard des différentes étapes de votre épopée de façon à ne pas être bloqué à une encablure de l’arrivée avec un Thorfinn qui mettra tout en oeuvre pour vous mettre des bâtons dans les roues. Si à l’inverse, votre deck est solide et vous permet d’avancer rapidement, vous pourrez alors utiliser vos cartes pour contrer Thorfinn lors de ses attaques sournoises, voire même de lui piquer des cartes que vous utiliserez ensuite à votre avantage avant de les lui rendre.
Si dans les modes de jeu les plus simples, conseillés surtout pour appréhender les mécaniques de jeu, l’iconographie à notre disposition est relativement limitée (voler une carte à Thorfinn, se protéger contre un Troll, une pénurie ou un coup de hache mal placé, renouveler la rivière), dans les modes de jeu plus avancés, elle devient plus complète, permettant alors à nos stratégies de s’affiner. Mais c’est également à ce moment là que Thorfinn deviendra plus agressif, en diminuant le nombre de cartes dans la rivière, en retournant un troll contre nous, en nous faisant défausser des cartes….
Après quelques parties en mode débutant, je ne saurai que trop vous conseiller d’augmenter la difficulté afin de ne pas passer à côté de ce qui fait le sel de Althing, l’Intégrale. En effet, lors de mes premières parties, le jeu m’est rapidement apparu simple et plat, sans réel enjeu ni intérêt. Les courses étaient remportées haut la main et l’opposition proposée par Thorfinn me paraissait peu challengeante. Une fois la difficulté réglée au niveau maximum, par contre, la musique est très clairement différente.
Thorfinn devient alors un adversaire redoutable, dont il faut se méfier. Les cartes Légende qui nous appliquent des « doubles pénuries » limitent radicalement nos choix et le fait de pouvoir envoyer nos Trolls ralentir Thorfinn devient vital (mais représente également un risque non négligeable puisque ce dernier pourra soudoyer l’un de nos Trolls pour le retourner contre nous).
Les dernières parties que j’ai pu faire m’ont du coup paru plus tendues, et de fait, plus agréables. Les coups sournois de notre adversaire nous obligent plus souvent à utiliser des cartes pour nous protéger en réduisant ainsi nos possibilités d’avancer et il devient presque impératif de piquer des cartes à Thorfinn pour renforcer, l’espace d’un tour, notre deck.
Althing, futur (vi) King des deckbuildings solo ?
Dans notre paysage de solo-ludistes, les deckbuildings occupent une place à part. Souvent cantonnée à des affrontements entre joueurs, les mécaniques du deckbuildings ne sont pas évidentes à rendre intéressantes en solo. Plusieurs auteurs et éditeurs se sont essayés à l’exercice avec plus ou moins de réussite. Si Goblivion, Aeon’s End, Hero Realms ou le très récent Skytear Horde s’en tirent par exemple avec les honneurs, d’autres se sont plutôt plantés en proposant des artifices au mieux corrects pour simuler un adversaire humain.
En ça, Althing se démarque du lot. Puisqu’il n’est pas question de combattre un adversaire, Studio Twin Games a pu se concentrer sur le fonctionnement de son Automa sans avoir à imiter un joueur humain. Thorfinn a donc sa propre « stratégie » : nous empêcher d’avancer grâce aux pénuries qu’il nous impose (l’interdiction d’utiliser telle ou telle ressource pour avancer ou recruter), tout en nous pénalisant de plus en plus durement en fonction de notre position grâce à des effets qu’il nous sera possible de contrer, au prix de ressources auxquelles nous renoncerons au passage.
Et à l’usage, le pari est gagnant ! d’abord parce qu’il change de l’omniprésente confrontation 1 vs 1 avec compteur de points de vie et potions de soin qui, si elle est loin de nous lasser, manque parfois un peu d’originalité. à l’inverse, Althing a choisi de nous surprendre en nous proposant quelque chose de « neuf » et en cela il est plutôt rafraichissant.
Ensuite, Althing nous propose un véritable automa, sans grande difficulté d’utilisation, mais avec une belle difficulté, qui plus est adaptable à notre niveau et / ou notre envie. Là encore, le choix est payant, notamment lorsqu’on a seulement envie d’une petite partie, avant d’aller au lit par exemple. Le jeu est vite sorti, vite installé, vite joué et vite rangé.
Enfin, dans la très grande majorité des deckbuildings solo « modernes », on se retrouve dans une esthétique assez sombre (la « faute » à la thématique guerrière de cette mécanique principalement) là où Althing nous propose une esthétique plus colorée, presque enfantine sans tomber dans le cartoonesque. Encore une fois, on aime ou pas, mais on ne peut que saluer la tentative de se démarquer là encore, d’autant que l’iconographie est particulièrement lisible.
Althing touche le Valhala ?
Malheureusement, tout n’est pas parfait au pays des Trolls. D’abord, si l’automa est particulièrement efficace, il n’en reste pas moins que le peu de cartes sur lequel il est construit le rend particulièrement prévisible, au bout d’un certain temps. On anticipe alors rapidement ses prochaines actions (en le bloquant avec nos Trolls, en retirant certaines cartes du marché, ou en recrutant les cartes juste avant lui). Si vous jouez de manière assidue à Althing, vous devriez dés lors trouver le jeu relativement simple. c’est d’ailleurs la principale critique qu’on retrouve sur les différents forums que j’ai pu parcourir ou en discutant avec notre joueur solo ayant essoré le titre.
Si par contre, vous vous contentez d’une partie par ci par là, alors vous devriez par contre trouver l’automa plaisant à défier et à jouer.
La qualité des cartes est également juste correcte pour un deckbuilding qui nous obligera donc à régulièrement les brasser. Si le jeu vous tente, et vous convainc, je pense que le sleevage sera un passage incontournable pour les préserver. Alors oui, opter pour des cartes avec un grammage plus important, voire pour des cartes « tissées » aurait certainement augmenté de quelques euros le prix du jeu (26,50 euros sur philibert au moment où nous écrivons ce test), mais le ressenti n’en aurait été que plus agréable. Attention toutefois, l’impression et la finition choisies par Studio Twin Games reste très correctes et ne gênent en rien le jeu, entendons nous bien !
Au final, si vous aimez les deckbuildings et que vous êtes à la recherche de nouveauté, d’un challenge adaptable à vos envies alors Althing représente une chouette alternative qui sera se faire une place dans votre ludothèque à côté des poids lourds de la catégorie. Si par contre, vous aimez tataner du méchant et que vous êtes à la recherche d’une bonne alternative à Shards of Infinity, il se pourrait que vous soyez un poil déçu (ou alors carrément surpris).
Pour ma part, cela faisait longtemps que je voulais m’y essayer, et une fois passé l’esthétique qui ne m’a pas transcendé, et la difficulté réglée sur mes goûts personnels (à base de sueur et de défaites sans appel), Althing a su me séduire, sans pour autant s’imposer comme une évidence toutefois. Il restera dans ma ludothèque comme un jeu rafraichissant, auquel je reviendrai avec plaisir entre deux parties de plus gros jeux, par exemple.
On a aimé
- un automa bien pensé
- une difficulté adaptable aux goûts de chacun
- un pitch et des mécaniques rafraichissantes (normal, au pays des Vikings)
On a moins aimé
- répétitif sur le long terme
- une esthétique « neutre »
- la qualité des cartes qui obligera les plus acharnés à sleever
c’est pour vous si
- vous aimez les deckbuildings mais en avait marre des « jeux de bagarre »
- vous recherchez un jeu à jouer rapidement
- vous avez toujours rêvé d’avoir un Troll comme copain
Ce n’est pas pour vous si
- Vous voulez faire la bagarre !
- Vous préférez les jeux de courses sur plateau (ça peut s’entendre)