1971 : Les états-unis passent leur pic de production en pétrole, préfigurant le premier choc pétrolier mondial de 1973 et un début de questionnement sur la dépendance aux énergies fossiles.
1972 : John Sawyer, un météorologue britannique publie « Man-made Carbon Dioxide and the ‘Greenhouse’ Effect », une étude dans laquelle pour la première fois les activités humaines sont mises en perspective du réchauffement climatique.
Une opportunité est alors offerte au monde et aux dirigeants de l’époque d’infléchir la destinée du monde. Voilà leur score représenté dans le diagramme ci après… Ferez-vous mieux ?
Voici donc le challenge que propose CO₂ : chaque joueur est le président d’une grande compagnie énergétique multinationale spécialisée dans les énergies renouvelables. L’objectif pour les joueurs est de répondre au mieux aux enjeux gouvernementaux et à la croissance effrénée de la demande mondiale, afin d’éviter d’atteindre le seuil d’émission de CO2 de ‘non retour’, signifiant la défaite de tous les joueurs.
La partie démarre en 1970, avec un parc énergétique exclusivement basé sur la combustion de charbon, de gaz et de pétrole. Chaque compagnie va à son tour pouvoir investir de l’argent pour construire des centrales ‘vertes’, faire du lobbying en participant à des conférences internationales, gagner en notoriété et en expertise dans des technologies clé, et tâcher d’exploiter au mieux le marché des permis de polluer (Carbon Emission Permits).
Ces CEPs sont la ressource clé du jeu. Ils sont octroyés par les nations unis aux différentes régions mondiales, en fonction de leurs besoins de départ.
Un marché – une bourse d’échanges – s’est créé pour gérer ces permis. Et naturellement, qui dit marché, dit spéculation, et la possibilité de faire monter les cours du CEP. Les joueurs devront tâcher de garder le contrôle de cette ressource stratégique pour avoir une chance de mener à bien leurs plans.
En fin de partie, si la planète est sauve, alors les joueurs vont calculer leur score : l’argent, les CEPs, les centrales construites, les niveaux technologiques atteints, les objectifs spéciaux de l’ONU remplis, tout compte.
Jeu de placement d’ouvriers, de développement et de construction, CO₂ est l’archétype du jeu à l’allemande, même si son auteur, Vital Lacerda, est de nationalité portuguaise !
Pourquoi on aime ce jeu ?
Même si la mécanique du jeu est un peu ‘austère’ – mais néanmoins très efficace -, l’identité et l’unicité de ce jeu tiennent à deux éléments :
- son cynisme : le jeu n’est pas une simulation de la réalité. Les CEPs n’existent pas en tant que tel. Par contre, ce qui est extrêmement bien reproduit, c’est la capacité donnée aux joueurs de ‘profiter’ d’une situation extrêmement compliquée pour les états afin de gagner beaucoup d’argent. La situation est toujours sur le fil, et toute la difficulté est de trouver un équilibre pour subvenir aux besoins mondiaux, tout en capitalisant pour sa propre entreprise : la tentation est grande de nuire aux autres entreprises, mais si elles ne remplissent pas leur mission, le monde est perdu. D’un autre côté, accepter d’entrer dans cette logique de marché, et spéculer intelligemment sur les CEPs donnent une grande liberté d’action, et lancer une grande campagne de construction de centrales solaires devient alors possible !
- son parti pris graphique : le plateau circulaire est assez déroutant au début, de même que le choix d’illustrations très abstraites. Mais au final la perspective circulaire, mondiale, est complètement adaptée au thème et le choix d’un plateau dans des tons pastels est très agréable, et apaisant par rapport à un thème malgré tout assez lourd.
Et en solo ?
Clairement, ce jeu n’a pas été prévu pour être joué en solo. Le mode proposé ressemble plus à un mode entraînement. Et pourtant… le jeu tourne étrangement bien. Le thème, très ancré dans l’actualité, et le challenge qui est finalement d’essayer de faire ‘mieux’ que ce que nos dirigeants ont réussi, est très motivant. En solo, cette impression de refaire l’histoire, à l’instar de ce que font des wargammers lorsqu’ils reconstituent une bataille, est très intéressante.
Certes, la compétition avec les autres entreprises n’est plus aussi présente, et c’est plus une course en solitaire qui est proposée, mais cela permet de tenter une uchronie, à savoir celle d’un monde industriel coopérant dont l’objectif premier n’est pas le gain individuel, mais la sauvegarde collective. Est ce que c’est simple ? Est ce que cela fonctionne mieux ? Je vous invite à essayer 😉
A suivre ?
Il existe une petite extension : « CO2 : the arctic expansion » qui rajoute une région géographique supplémentaire et donc un challenge de plus à gérer au cours des 60 ans que couvre une partie.
Où le trouver ?
Edité par Giochix, il n’est aujourd’hui plus disponible en neuf. Cependant, il reste trouvable d’occasion, même s’il n’a pas eu un énorme succès et donc peu d’exemplaires circulent.
Le détail qui tue
Le jeu a son propre site facebook ! Il n’est plus forcément très actif, mais ce n’est pas si courant que ça.
A qui conseiller ce jeu ?
Voilà un jeu complexe, de pure gestion, pas très avenant et pas facile d’accès. Maintenant, d’un point de vue purement mécanique, même s’il ne réinvente pas la machine à poser du meeple, il fait très bien son travail. Les actions sont diversifiées, et il faut vraiment se creuser les méninges pour optimiser ses coups : donc pour les amateurs du genre, à tester.
Pour ceux qui sont plus réfractaires à ce type de mécanique, passez votre chemin, à moins d’avoir une vraie curiosité sur le réchauffement climatique et les enjeux économiques, car dans ce cas, ce jeu a surement quelque chose à vous apprendre.
Liens :
Le site du jeu chez l’éditeur, avec la possibilité de télécharger les règles en français.
Un petit exemple de partie (en VF) sur tric trac.
…à demain pour un autre jeu solo !