mardi, mars 19, 2024
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The Rise and Rise of Solo Gaming !

Une fois n’est pas coutume, voici la traduction d’un article d’un auteur anglais, Tristan Hall.

Il est encore peu connu (son premier jeu ‘Gloom of kilforth’ a fait l’objet d’une campagne de financement participatif sur kickstarter qui arrive seulement chez les backers ce mois de juin 2017), mais il fait partie de ces auteurs passionnés qui savent prendre du recul et partager leurs réflexions en ligne. Pourquoi mettre le focus sur cette personnalité aujourd’hui, c’est parce qu’il a écrit un long article sur notre folie commune, à savoir le jeu solo. Nous vous invitons à aller consulter par vous même la page de son blog, mais pour ceux qui n’ont pas envie de s’aventurer dans les marasmes du langage de la perfide Albion, ci-après, en français, les meilleurs moments.

 


La montée irrésistible du jeu solo

(Titre original : The Rise and Rise of Solo Gaming)

The_Simpsons-Jeff_AlbertsonSi on vous demande de « citer quelqu’un qui selon vous pratique le jeu de société en solo ?», que répondriez vous ? Soyez honnête : le gérant de la boutique de BDs des Simpsons ? Un geek solitaire sociopathe qui fuit l’interaction humaine? Et peut-être que vous auriez raison, mais plus probablement vous auriez tort. La vérité est que de plus en plus de gens sont attirés vers les jeux solo, et les raisons en sont nombreuses et intéressantes.

Il est étrange de penser que les jeux vidéo étaient autrefois la chasse gardée des geeks marginalisés, surtout maintenant que des franchises comme « Call of Duty » ont prouvé qu’elles pouvaient attirer beaucoup plus de millions de dollars qu’un film hollywoodien ! Et souvent, ces blockbusters de plusieurs millions de dollars (par exemple, la plupart des séries de « Final Fantasy ») n’offrent qu’un mode de jeu solitaire. Alors, pourquoi les jeux de société populaires ne suivraient-ils pas le mouvement ?

En parallèle de l’augmentation constante de la part des revenus consacrée au temps libre, la vente des jeux de société a connu une hausse énorme ces dernières années. De nombreux articles détaillent la croissance exponentielle de la pratique du jeu de plateau, et il suffit de voir la fréquentation de la « UK Games Expo » pour en être convaincu ! (NDLR : ou celle du festival international des jeux à Cannes qui a attiré près de 150000 visiteurs cette année !)

Certains affirment que c’est un nouvel âge d’or pour l’industrie. Qu’il s’agisse de jeux «Euro» à la mécanique élégante qui demandent en permanence des prises de décision délicieusement frustrantes, ou des jeux de société très thématiques qui font la part belle aux illustrations et aux miniatures en plastique, l’offre est en constante expansion. (…)

La créativité et l’innovation foisonnent, chaque auteur se hissant sur les épaules de ses illustres prédécesseurs pour :

  • proposer de nouveaux mécanismes de jeu (par exemple « Dominion » avec le deck-building en cours de partie ),
  • introduire une ou deux nouvelles idées pour revisiter l’existant (par exemple la légère mais importante transformation des jeux « Marvel Legendary » en la série des « Legendary encounters« ),
  • réviser un système de jeu pour le rationaliser (par exemple toutes les deuxièmes (voire troisièmes !) éditions de Fantasy Flight Games de jeux comme « Talisman« , « Runebound » ou « Descent« ),
  • ré-imaginer entièrement un titre précédent et offrir une vision complètement fraîche (comme « Pandemic Legacy« , où les décisions des joueurs peuvent signifier la destruction réelle des composants du jeu !).

kingdomDeathMonster(…) Et les revendications des joueurs pour des offres de plus en plus uniques et intéressantes continuent de croître, avec des jeux thématiques précédemment super niche comme « Kingdom Death: Monster » qui a levé plus de 12 millions de dollars sur Kickstarter.

Et si « Kingdom Death » a marqué les esprits, vidé les portefeuilles et battu des records sur Kickstarter, le point important est que c’est un jeu qui peut être, et souvent c’est le cas, joué en coopération, et donc en solo.

Il y a encore dix ans, les jeux de société coopératifs (…) étaient peu nombreux. Quelques wargames et de rares titres marginaux ont proposé par le passé une option de jeu solitaire. Mais la plupart du temps, les plus férus jouaient les deux côtés alternativement notamment pour améliorer leur technique. Mais, au fil des années, des titres pionniers (de « Chainsaw Warrior » (1987), « Warhammer Quest » (1995), « Lord of the Rings » (2000),  « Arkham Horror » (2005), jusqu’à « Forbidden Island » (2010) et « Robinson Crusoe : Les aventures sur l’île maudite » (2012)) ont mis en exergue la coopération et/ou le jeu solitaire. Il est désormais incontestable que les jeux coopératifs sont dans l’ère du temps,  et sont en passe de devenir des jeux populaires.

« Boardgamegeek« , qui compte 3,3 millions de visiteurs mensuels uniques, place actuellement en tête des votes « Pandemic Legacy: Season 1 » (2015)  comme le meilleur jeu de tous les temps ! Un jeu coopératif et jouable en solo.

Les jeux coopératifs sont parfaits pour se rassembler et jouer en équipe avec des amis et/ou en famille contre un objectif mathématique ou thématique et résoudre des casse-tête collectivement.

Mais qu’y a t’il d’attirant dans la pratique solitaire d’un jeu ?

Quelques témoignages de solistes :

  • la logistique : « Nous travaillons beaucoup, souvent avec des horaires différents et qui changent tout le temps. Nous nous déplaçons également beaucoup. La vie est moins cohérente, de sorte que notre temps de jeu et les cercles de jeu deviennent moins cohérents. Le jeu solo comble bien ces lacunes. « – Jason Perez
  • la créativité: « Pour beaucoup de gens, le jeu est une expérience sociale. Pour moi, c’est une chance d’être créatif seul. Je joue pour me raconter des histoires. »- Amy (Other Amy)
  • la préparation: « Pour apprendre le jeu. Je n’aime pas présenter un jeu à quelqu’un sans en avoir une bonne compréhension au préalable. « – Brian Hunt
  • l’immersion: «Je trouve beaucoup plus facile de m’immerger dans un thème ou une histoire quand je suis seul. Il n’y a pas de distractions ou de conversations secondaires. « – Shaun Austin
  • le défi: « (…) je veux jouer à des jeux particulièrement stimulant pour cerveau et qui prennent beaucoup plus de temps que ce que les autres sont prêts à consacrer » – Kevin Erskine
  • l’absence d’écran: « Parfois, c’est simplement une façon de m’éloigner de l’écran. Regarder un écran d’ordinateur tout le temps fait probablement des dommages irréparables à mes yeux. Les jeux de société solo sont un moyen de contourner cela. « – Joke Meister

Et d’ailleurs, en parlant d’écrans, les youtubers qui mettent en avant les jeux solo sont de plus en plus nombreux et suivis, avec des personnalités comme JPlay (3 006 abonnés, 505 272 vues), callasmar (5 424 abonnés, 979 918 vues), Ricky Royal (15 330 abonnés, 3 622 304 affichages ) ou encore marcowargamer (12 879 abonnés, 3 955 074 points de vue).  Ils apportent tout leur pierre à l’édifice en mettant en vedette des jeux solo et des guides pratiques pour ces jeux. (NDLR : mais aussi chez nous, votre serviteur PlateauSolo bien sur, mais bien d’autres dont vous pouvez retrouvez toutes les vidéos sur le forum du coeur de la loge).

Il existe des groupes reddit et facebook dédiés aux jeux solo avec des milliers de membres. Sur le site de boardgamegeek, il existe une communauté appelée 1 Guild Player (ou 1PG),  dédiée au podcasting et à la discussion sur le jeu solitaire. Ce groupe encourage et anime un certain nombre d’activités telles que :

  • la compétition en ligne en comparant les scores obtenus de certains jeux,
  • le développement de nouvelles méthodes et règles pour jouer en solo aux jeux qui n’ont pas été conçus pour à l’origine,
  • le témoignage sous la forme d’histoires amusantes et de rapports de session sur les jeux,
  • la mise en place d’un vote annuel pour désigner les 100 meilleurs jeux solo de l’année. Ce vote regroupe des centaines d’électeurs et des milliers de voix (…)

A sa fondation en 2012, il y avait 12 membres, au moment de la rédaction de cet article, 6 415 personnes du monde entier constituent maintenant le 1PG. Le fondateur de la guilde, Albert Hernandez, parle de cette croissance :

« La guilde a toujours été ouverte à quiconque s’intéresse aux jeux solo … Je ne m’attendais pas à ce qu’elle grossisse. Un aspect qui rend la guilde si populaire est sa convivialité. Les gens ont toujours des commentaires à ce sujet. Personne n’a besoin de rechercher l’autorisation ou l’approbation pour faire quelque chose qui est utile. Je pense que cela a vraiment aidé la guilde à grandir. Personne n’aurait pu deviner toutes les bonnes choses qui en sont sorties ! ».

Un vrai engouement pour les règles solo se manifeste, en particulier dans le cadre de campagnes de financement participatif telles que Kickstarter, où les joueurs incitent les créateurs à proposer des règles solo en stretch goal. Mais les créateurs populaires, tel que le légendaire Jamey Stegmaier,  vont un cran plus loin en s’offrant les services du designer Morten Monrad Pedersen dans le but précis de concevoir des règles solitaires pour leurs jeux. Citons parmi ces créations la mise en oeuvre très réussie d’un joueur ‘IA’  dans des titres tels que « Viticulture« , « Between Two Cities« , et bien sûr,  « Scythe ». Selon ses propres mots :

« Le buzz créé par les joueurs solo suscite l’intérêt du plus grand nombre, et laisse penser aux éditeurs qu’ils ont peut être négligé un gros marché. Le mode solo m’a donné l’opportunité de revenir à la conception de jeu pour mon plaisir, et ma rencontre fortuite avec Jamey Stegmaier a été un chance : en me laissant une place dans son navire afin de surfer sur la vague de popularité de jeu solo, j’ai maintenant un emploi dans le monde du jeu de plateau ».

Pedersen a également compilé des données intéressantes sur la croissance des jeux solo dans ce graphique:

Membership of the 1-Player Guild over time.

Designers ou éditeurs de jeux ont intérêt aujourd’hui à prêter attention aux porteurs de projet les plus influents de Kickstarter, et à lire particulièrement les blogs de Stegmaier et Pedersen sur l’importance des joueurs solo aujourd’hui. Un simple coup d’oeil au chiffre hallucinant que Adam Poots a généré avec son monstrueux « Kingdom Death: Monster » suffit à s’en convaincre.
Donc, que ce soit pour apprendre les règles d’un jeu que vous souhaitez présenter à vos amis, prendre un peu de distance avec les écrans, mettre au défi votre agilité mentale, vous immerger dans une expérience thématique, narrative ou tout simplement parce que vous aimez ça (!), soyez convaincu que les jeux en solo peuvent être une expérience passionnante et enrichissante.

Et maintenant, avec des forums et des ressources en ligne conviviaux, même si vous jouez au solitaire, vous n’avez pas à jouer seul !

Tristan Hall

2 Commentaires

  1. Bel article qui prouve que le jeu de plateau en solitaire est en pleine ascension.

    Quel bonheur d’avoir autant de choix, aujourd’hui ! Alors qu’autrefois les jeux solos et/ou coopératifs se limitaient (exagérément) à ces bons vieux Ghost Stories ou Horreur à Arkham, nous avons désormais accès un à un tel stock qu’il nous faut faire des choix douloureux tout en mettant la main au porte-monnaie.

    On sent que de plus en plus d’auteurs conçoivent la version solo de leurs jeux par réel intérêt, et pas seulement pour satisfaire la « communauté de geeks sans amis » qui représente un marché.

    Non, le jeu de plateau en solitaire a aujourd’hui autant sa place que le jeu en multijoueur. Comme l’ont dit énormément de personnes : pourquoi est-ce que le jeu de plateau devrait uniquement s’adresser à un groupe ? Parce qu’on a eu la bonne idée d’appeler cela les « jeux de société » ? Qu’en aurait-il été si les jeux vidéos s’appelaient les « jeux vidéo de société » ? On montrerait ces gamers du doigt en les traitant d’antisociaux ?

    Malgré ces nouvelles très positives quant à l’évolution des mentalités, je continue à être attristé par les jugements peu subtils de certains joueurs ou auteurs de blogs, laissant supposer que les amateurs de jeux en solitaire n’ont vraiment rien d’autre à faire. Mais à moi de me montrer fort et d’ignorer ces personnes qui parlent sans la moindre connaissance de cause.

    Aujourd’hui, je n’achète plus que des jeux pouvant se jouer en solitaire. Bien entendu, c’est encore mieux s’ils peuvent être pratiqués à plusieurs, mais plus question d’investir dans une boîte dont le nombre minimum de joueurs ne commence pas par « 1 ».

    Pourquoi ? Parce que j’en ai assez d’acheter des jeux (très chers, parfois) multijoueur qui ne sortent au maximum qu’une fois par année.

    J’ai acquis par exemple « Les demeures de l’épouvante » et « Arcadia Quest » il y a deux ans, une paire de monstres en carton et plastique pour la modique somme de 180 euros ou presque. Eh bien ils prennent la poussière sur mon étagère, désormais. Ils ont beau être appréciés par les autres joueurs, ces derniers ont tellement de jeux auxquels jouer que je n’ai tout simplement plus le temps de les sortir.

    En conclusion, on peut dire que je me suis tourné vers le jeu en solitaire pour la raison qu’il existe beaucoup, beaucoup, beaucoup de jeux aujourd’hui. Cela a l’avantage de nous proposer un choix hors du commun mais aussi le défaut de tuer la durée de vie moyenne d’un jeu, sachant qu’il risque de très vite se faire remplacer.

    Mais je joue aussi aux jeux en solitaire parce que j’aime ça. Je suis fils unique et n’ai donc jamais eu de frères ou de soeurs avec qui jouer (quant aux parents, il ne fallait pas toujours trop en attendre d’eux). J’ai donc appris à jouer seul et à y trouver du plaisir. Et ce plaisir, je le retrouve encore aujourd’hui.

    Voilà pour ce commentaire un peu long mais qui m’a donné l’occasion de m’exprimer. Je te remercie, Shilag, pour cet article et te souhaite une très bonne continuation, ainsi qu’à tous les membres/auteurs de ce site !

    • Merci pour ce retour, et merci de partager ton témoignage.
      Le jeu solo a encore de beaux jours devant lui, j’en suis convaincu, et nous n’en sommes encore qu’au début ! Je pense que pour les auteurs c’est un terrain de jeu extraordinaire, peu exploré et où de vrais innovations vont émerger.
      Il faut aussi associer cette tendance au jeu coopératif, qui véhicule une nouvelle façon d’appréhender le jeu de plateau, en s’ouvrant à un nouveau public à la base peu intéressé par la confrontation directe.
      Comme tu dis, quel bonheur que d’avoir autant de choix aujourd’hui !!

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