vendredi, avril 19, 2024
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Horreur à Arkham vs Le Seigneur des Anneaux : les frères ennemis du JCE ?  

Si vous lisez ces lignes, c’est que la malédiction qui me poursuit depuis que j’ai entamé cet article aura pris fin. En effet, j’en ai plusieurs fois entamé la rédaction de ces quelques mots, avant de souffrir successivement d’un crash de disque dur, d’une perte de mes notes manuscrites et d’une perte des règles du jeu. Non, je n’essaie pas de faire du Lovecraft : tout ceci est réellement arrivé, comme quoi il ne faut pas trop chatouiller les grands anciens. Dès la sortie d’Horreur à Arkham, jeu de cartes évolutif, et comme la plupart des sites ayant pour thème les jeux de société ou de rôles, je voulais moi aussi étaler mon petit couplet sur le dernier né de chez FFG / Edge et tenter de répondre aux nombreuses questions que le jeu soulève autour de lui. Bonne ou mauvaise surprise ? Trop dur ou trop Facile ? Rejouable ou One Shot ? Mais le temps a passé, j’ai pris du retard, et tout ou presque a déjà été dit sur la boîte de base de ce jeu. Aussi nous allons essayer de parler de lui sous un autre angle et de l’opposer à un concurrent immédiat, le Seigneur des Anneaux JCE. On pourrait penser que le rapprochement entre les deux jeux est superficiel (même type de jeu, même éditeur), mais ce serait sans compter sans un élément fondamental : l’auteur du premier est également l’auteur du second. Alors, posons la question : Horreur à Arkham JCE est-il une simple variante du Seigneur des Anneaux, ou possède-t-il sa propre identité ?

Le jeu des  7 erreurs

ah_lcg_dl_fullSi l’on part de cette question, reconnaissons qu’à l’ouverture de la boîte, le jeu des 7 erreurs démarre plutôt mal. Même si FFG a adapté son nouveau standard de règles en deux livrets à Horreur à Arkham, les ressemblances entre les deux jeux de Nate French sont tellement criantes que la partie semble jouée d’avance. Vous trouvez que j’exagère ? Alors, listons ensemble les éléments communs aux deux jeux :

  • Un deck de héros composé d’alliés, d’objets et d’événements, et lié à une couleur ou sphère d’influence
  • Un deck de rencontres (monstres et traitrises) généré à partir du scénario
  • Un scénario sur lequel il faut poser des marqueurs de progression pour passer à l’étape suivante
  • Des cartes superbement illustrées
  • Un tour de jeu avec la pioche d’une carte « négative » par tour et par joueur, une phase de ressources, une phase d’action des joueurs et une phase d’attaque des ennemis.
  • Le syndrome FFG (boîte de base avec 3 scénarios, puis cycles de grosses et petites extensions) qui va encore nous faire casser notre PEL.

Inutile de se voiler la face : on retrouve clairement, à l’ouverture de la boîte et à la lecture de certains passages des règles, les fondamentaux de Seigneur des Anneaux JCE. On s’étonne presque de ne pas trouver de compteur de menace, ou de ne pas avoir à affronter un grand ancien aux faux airs de Balrog.

Au-delà des apparences

500_____le-seigneur-des-anneaux-jce-2_1038À la lecture des règles cependant, on devine que les choses ne seront pas aussi simples et qu’Horreur à Arkham JCE est loin d’avoir livré tous ses secrets au déballage. Et les choses se font encore plus claires à la première partie.

En tout premier lieu, le joueur attentif ne pourra que constater un nombre de tokens bien plus important dans Horreur à Arkham qu’il ne l’est dans le Seigneur des Anneaux. La plupart de ces tokens servent le même objectif : rendre les combats et les tests de compétence plus intenses (et plus aléatoires). Là où le Seigneur des Anneaux résout les combats en comparant uniquement la valeur cartes en jeu, Horreur à Arkham demande au joueur de placer une douzaine de tokens, indiquant chacun une valeur allant grosso modo de -8 à +1, dans une tasse où ils seront faciles à piocher à l’aveugle. Pour chaque test de compétence (combat, enquête, etc.), un token est pioché et sa valeur modifie la difficulté du test. En d’autres termes, l’aléatoire revient à grands pas dans la résolution des actions. Mais inutile de s’effrayer : cet aléatoire sert avant tout à créer un niveau de difficulté modulable en fonction des attentes des joueurs. Ceux qui veulent simplement « vivre une aventure, façon TIME STORIES » seront invités à mettre essentiellement des tokens neutres ou favorables, et ceux qui veulent vivre un vrai cauchemar devront constituer leur pioche des tokens les plus maysssssants. Outre une valeur chiffrée, certains tokens sont constitués d’une icône… dont la signification en jeu varie pour chaque scénario. Vraiment malin.

Se déplacer, enfin !

Si la présence de cartes lieux dans le jeu rappelle évidemment le Seigneur des Anneaux JCE, leur utilisation est ici toute autre. Les cartes lieux ne sont en effet pas mélangées au deck de rencontre, mais posées sur la table pour constituer une sorte de plateau de jeu. Les cartes lieux sont en effet reliées entre elles en fonction d’une suite logique et les investigateurs vont pouvoir s’y déplacer selon leur bon vouloir. Chaque carte est évidemment imprimée recto verso avec des informations différentes, pour qu’on ne sache pas ce qui nous attend dans le lieu avant d’y avoir mis les pieds.

Comparé au Seigneur des Anneaux JCE, c’est une véritable révolution. En Terre du Milieu, en effet, les lieux étaient des cartes tirées du deck d’opposition et incarnaient des zones tampons qui absorbent les marqueurs de progression, afin de rallonger la durée nécessaire pour accomplir la quête. Bref, des obstacles.

Ici les cartes lieux ont une fonction opposée : ce sont elles qui permettent de générer les marqueurs de progression (sous forme d’indices) que les investigateurs doivent récolter. Devant une porte fermée, nos personnages doivent donc se poser la question du nombre d’indices qui seront disponibles dans le lieu qu’ils s’apprêtent à découvrir… et des éventuelles mauvaises surprises qui peuvent les y attendre. Le stress est véritablement au rendez-vous à chaque déplacement.

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Un scénario dynamique

Autre gros point fort d’Horreur à Arkham JCE, c’est son approche scénaristique à double entrée. Je m’explique : dans le Seigneur des Anneaux JCE, le scénario se présente sous la forme d’une série de cartes. À chaque fois que l’on a déposé le nombre de marqueurs de progression requis, on passe à la suivante, qui change un peu les conditions de jeu, et demande à son tour de réunir des marqueurs de progression.

Horreur à Arkham fonctionne un peu sur le même modèle, mais avec deux decks de scénario. Si le premier est comparable à ce qui se passe dans le Seigneur des Anneaux, le second est lui consacré à la lecture de l’histoire côté ennemi. Le but du joueur va donc de faire progresser son deck et de freiner autant qu’il le peut la progression de l’autre, sans quoi il verra ses conditions de jeu empirer de tour en tour. Le second deck est donc une sorte de timer narratif qui incite les joueurs à prendre conscience de l’urgence dans laquelle ils se trouvent.

La pression ne vient donc pas d’un compteur de menace, mécanique et finalement peu immersif, mais de ce deck ennemi qui déroule ses plans de plus en plus ouvertement. C’est l’une des meilleures idées du jeu, tout simplement.

Tests et compétences

Dernier point de comparaison : les caractéristiques des personnages. Pour Horreur à Arkham, Nate French a décidé de partir sur un concept de héros très différent du Seigneur des Anneaux. Dans ce dernier, le joueur va choisir 2 ou 3 héros, dont la puissance cumulée va conditionner la menace qui pèse sur eux. Par exemple, une dream team Aragorn, Elrond et Galadriel a toutes les chances d’attirer le regard de Sauron très rapidement et donc de rendre les choses très compliquées. Le joueur doit donc composer une équipe équilibrée entre stars et seconds couteaux. Dans Horreur à Arkham, chaque joueur ne contrôle qu’un héros : un investigateur faisant (en général) partie du roster habituel des jeux Lovecraftiens chez FFG (ce qui est d’ailleurs bien pratique pour utiliser les pions ou les figurines déjà glanés avec les jeux de plateau).

ah_lcg_core_skill_cards_calloutComme il ne dispose que d’un unique personnage, celui-ci doit donc être plus solide que le héros Tolkiennien et ne pas mourir au premier tour à cause de Vrombicornes piochées trop tôt (les vrais savent). Cela se manifeste en jeu par le fait que les ennemis tapent sans doute un peu moins fort, mais aussi part le fait que les personnages ont bien plus de caractéristiques que leurs homologues des Terres du milieu. On retrouve évidemment force physique et santé mentale typique des jeux sur Cthulhu, mais aussi des compétences (combat, volonté, intelligence…) qui serviront à résoudre diverses actions en cours de jeu. Cela donne des parties moins axées sur la mécanique répétitive « quêteurs/attaquants/défenseurs » que l’on retrouve dans la plupart des scénarios du Seigneur des Anneaux JCE.

La narration prenant légèrement le pas sur le challenge, on pourra alors reprocher à Horreur à Arkham JCE d’être moins rejouable que le Seigneur des Anneaux. C’est un peu vrai si l’on s’en tient à cet aspect, et si on y joue dans l’esprit de vivre un Time Stories-like. Mais ne vous y trompez pas : Horreur à Arkham demeure un jeu de construction de Deck qui vous invitera à affuter vos cartes au fil des parties pour contrer les scénarios proposées (qui ont souvent plusieurs fins possibles). Le nombre de possibilités proposées par la boîte de base est largement suffisant pour vous donner envie d’essayer différents personnages, et donc de refaire la campagne plusieurs fois.

Et en solo ?

On m’a parfois reproché d’avoir critiqué le Seigneur des Anneaux JCE sur son côté impitoyable pour le joueur solo, tout simplement parce que le jeu est avant tout pensé comme un jeu coopératif où de nombreuses cartes permettent d’interagir avec les cartes des autres joueurs. Sur ce point Horreur à Arkham JCE part dans l’excès inverse en faisant peu de cas des interactions entre joueurs. Elles sont bien évidemment possibles, mais réduites au minimum syndical. Pour le joueur solo, Horreur à Arkham est donc un terrain propice dans lequel il peut s’épanouir sans ressentir la frustration de règles vite adaptées. Peut-être que les extensions à venir modifieront la donne, mais la boîte de base est parfaitement jouable en solo, avec quelques sueurs froides parfois. Pas de cartes à écarter, pas de règles à ignorer : l’horreur de Lovecraft est un plaisir solitaire.

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Frères ennemis ?

En dépit d’une réelle proximité dans la forme, le Seigneur des Anneaux JCE et Horreur à Arkham JCE diffèrent réellement, tant dans les mécaniques de jeu que dans la philosophie même des parties. Là où le Seigneur des Anneaux demande une gestion constante des ressources et des risques, Horreur à Arkham propose une aventure plus narrative, où la mécanique s’efface un peu plus. Si les deux jeux sont des réussites incontestables du jeu d’aventure en carton, on ne pourra manquer de reconnaître le travail considérable fourni pour faire évoluer une recette de base déjà très aboutie et la transformer en joyau du JCE. Horreur à Arkham, pour peu qu’il reste dans sa promesse initiale et qu’il ne soit pas dénaturé par des extensions trop intrusives, s’annonce donc comme une réussite majeure du jeu de cartes jouable en solo. Tout simplement.

 

3 Commentaires

  1. Malheureusement, Il me semble que la comparaison ne mettait pas en perspective les avancées les plus récentes du SdA, soit le mode Campagne des Saga (Hobbit et la sublime Trilogie SdA pas encore teminée), le point de départ du développement de la structure d’Arkham.

    Pour ma part, Arkham avance par rapport a SdA et j’en suis ravi, par contre il n’a pas réussi à ternir mon SdA et je serai en mesure d’apprécier les deux. Les récentes Sagas de SdA sont clairement le point de départ idéal pour cet excellentissime jeu qui offre malgré tout une rejouabilité plus grande que Arkham. Dans Arkham, rejouer un scénario présente moins d’intérêt vu la nature des critères de réussite des scénarios, alors qu’au SdA, il faut travailler fort jusqu’à ce que l’on passe les objectifs principaux (à quelques exceptions près, comme vaincre le Balrog). Le futur nous dira si Arkham réussira à maintenir le cap mais pour la première mouture c’est foutument réussi !

    • Le propos n’est pas de différencier les deux sur leur potentiel, mais sur le produit tel qu’il existe. On évoque deux produits différents, pour des coûts identiques. Il nous faut donc nous astreindre à comparer ce que l’on a dans la boîte pour cette somme. Encore heureux que le SDA ait évolué en 5 ans ! Mais pourquoi FFG n’a alors jamais cru bon de modifier sa boîte de base pour y inclure certaines de ces améliorations ?
      Comparer un jeu de base de 40 euros et un Jeu de base + 50 extensions qui doivent facilement totaliser 600 euros n’est pas notre propos ici.

      Cela viendra sans doute avec les premières extensions d’H à A.

      • Il n’est pas nécessaire de comparer les deux dans leur totalité. Simplement le jeu de base et une seule extensions : Les Cavaliers Noirs aurait pu suffire à titre comparatif du point de vue mécanique, par exemple: afin de retrouver une expérience similaire en mode campagne dans le jeu SdA, le joueur doit considérer…etc etc…

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